Au-delà des clivages, la force d'une rencontre et la puissance d'un partage entre X et Z.
L'histoire commence dans les locaux d'une grande administration française. Celle que beaucoup de pays nous envient mais où on n'a pas forcément envie de se retrouver. Bref, j'ai de la chance d'être là, d'une certaine manière. C'est une étape au service de mon projet. C'est la troisième fois que je viens, toujours l'impression qu'il me manque un papier, d'être un peu fautive. Dans ces moments-là plus que jamais, le regard de l'autre m'est capital.
La jeune femme à la borne d'accueil me surprend depuis le début, diaphane, immobile, comme si elle faisait en sorte de ne pas être abordée. Surprenant, si l'on considère son rôle. Ce matin-là, j'ai besoin d'elle, donc j'ose une brèche dans son périmètre de sécurité. Sa réponse est opérationnelle, je dois attendre de consulter un des ses deux collègues, postés quatre mètres plus loin, derrière des bornes de conseil, eux aussi. En attendant, je peux m'asseoir. Ce que je fais.
L'envie irrépressible de faire quelque chose d'utile de ces minutes précieuse m'étreint tout-à-coup. Ou serait-ce pour me donner une contenance au milieu de mes comparses, bénéficiaires eux aussi? Laptop déployé, je scrute l'espace à la recherche d'une affichette qui me livrerait le précieux code wi-fi. Rien.
Je reprends mes jambes à mon coup et retourne voir la jeune femme diaphane, qui attend sans doute que sonnent les douze coups de midi.
Et là se produit le miracle, quand elle me dit qu'il n'y a pas de wifi dans cet espace (une bonne raison à cela, certainement, mais je tombe tout de même de l'armoire, pas de wifi dans un espace public, en 2019!!). Le miracle d'une statue diaphane, 20 ans tout au plus, née donc au tournant d'un nouveau millénaire, qui se lève énergiquement de son petit tabouret, pour me dire avec un grand sourire "si vous voulez, on peut faire un partage de connexion?"
Et là, à la vitesse de l'éclair, elle sort son smartphone, je lui dis "non, quand même, on va faire ça avec le mien!", elle pianote si vite que je ne suis pas tout, mais ça doit être intuitif, si un jour je m'avise de le refaire toute seule! En 7 secondes chrono, entre mon smartphone et mon laptop tout neuf se fait la connexion, la jeune femme toujours agenouillée près de moi, toujours aussi pâle, mais animée d'un regard que je n'oublierai pas.
J'y lis la fierté d'avoir réussi quelque chose de bout en bout, d'avoir été experte de son sujet, d'avoir rendu service, d'avoir cassé les barrières, d'être sortie de sa catégorie... Et oui, les Millenials savent encore communiquer avec les X et même peut-être les baby boomers, si l'on veut bien faire tomber deux-trois barrières et autant de stéréotypes.
Merci à cette princesse ultra connectée qui a rendu mon expérience bénéficiaire joyeuse ce jour-là. Qui surtout m'a donné un petit coup de pied à l'âme, moi qui étais à deux doigts de la ranger nerveusement dans sa supposée catégorie de "jeunes qui ne savent même plus dire un bonjour les-yeux-dans-les-yeux".
A côté, yeux bleus immenses, nous dévisageait un bambin d'un an, biberonné par sa très jeune mère tout aussi bénéficiaire que moi, attendant sans doute le moment inéluctable d'être rangé dans une certaine catégorie socio-professionnelle. Pour, je l'espère, pouvoir mieux en sortir par ses actes concrets et son humanité...
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