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Un premier conte de Noël



Dans son cabinet, il y a la Bretagne au mur. Plisson en commun, c’est déjà quelque chose.

Je l’observe, il fait mentir à chaque séquence l’adage selon lequel les hommes ne savent faire qu’une chose à la fois. Cet homme est tout à la fois, Shiva et Maître Yoda, un disque dur au cœur tendre, sans aucun doute.


Il consulte, ausculte, écoute, prend les appels en parallèle, le combiné coincé entre une oreille attentive et une épaule réconfortante. C’est un homme-orchestre dans le concert des petits et grands bobos quotidiens.

Le téléphone sonne, il décroche, pourtant en pleine tournée de vaccins antigrippe. Un patient suicidaire, qu’à cela ne tienne, il répond qu’il passera après ses consult’. « Mais c’est Samedi midi ! », lui dit probablement l’épouse éplorée. « Oui, mais c’est mieux si je passe ce midi. L’année va déjà être compliquée, mais là, ça a l’air difficile... ». Et il raccroche, tout en réamorçant la troisième seringue.


Comment est-ce possible de faire tant de choses à la fois ? Accueillir et agir. Diagnostiquer dans l’instant, aux mots et aux non-dits, puis mettre en lien avec les petites et les grandes pathologies.


Il a changé de logiciel cette année, ça se devine. Il dit tout en rédigeant son ordonnance qu’à devoir tout consigner dans la bécane, il n’y a plus de temps pour faire de la médecine. Sans sourciller, sans ralentir. C’est comme ça, jamais vous ne l’entendrez râler. Tout au plus une blagounette en coin, sur tout ce bordel ambiant et des incohérences à la pelle.


Ça fera bientôt trois ans que je ne l’ai vu sourire. Pas parce qu’il fait la tête, mais juste à cause du masque. Il m’a soulagée d’un covid long et d’autres pétouilles. Souvent, il se souvient de choses que j’ai moi-même oubliées.

Nous sortons de là souvent avec une ordonnance, de précieux conseils et du baume au cœur. De celui qui échappe à la nomenclature de la Sécu mais agit sur le long, en bonne médecine chinoise.


Il est le représentant d’une espèce en voie de disparation. Médecin généraliste. De ces métiers d’antan qu’on citait aux enfants en métiers de référence.

Cet homme est un phare, un allié, un ami qu’on vouvoie. Un vrai Médecin de Famille.


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